POUR

LA &nbsp LIBERTE &nbsp D' EXPRESSION

Free speech offers latitude but not necessarily license

dimanche 8 mars 2015

Hôpitaux: Marisol Touraine fait le lit de la logique comptable

Les syndicats ne descendent  plus tousser dans la rue 

L
e pouvoir socialiste se décharge sur les régions, 
mais il prévoit la mise à la diète du budget de la santé et des amputations d'effectifs 

Les syndicats ont fait fuiter un document confidentiel - le "Kit de déploiement régional du plan Ondam à destination des ARS" - pour prendre le pouls de la population. C’est un plan opérationnel sur trois ans, distribué le mois dernier aux directeurs des agences régionales de santé (ARS), avec mention explicite : "diffusion restreinte". La semaine dernière, le magazine Challenges avait fait état d’une version de ce document qui aurait été débattu avec la ministre de la Santé, Marisol Touraine. 
Ce plan global de 69 pages n'a qu'un seul objectif: 10 milliards d’économies à l’horizon 2017. Et, dans ce lot, la part des restrictions pour l’hôpital tournent autour de 3 milliards d’euros

Marisol Touraine veut des pétaudières à la place d'hôpitaux

Au nom de la démocratie, la ministre socialiste de la Santé veut donner plus de poids aux médecins et réformer la tarification. 
Pour ce faire, elle entend remettre en cause l'emblématique loi "Hôpital patients santé et territoires" (dite HPST) votée en 2009 par la majorité précédente, en prétendant "un sentiment de démobilisation et de perte des repères" du personnel. "Il faut donc rétablir la confiance", a-t-elle estimé. 
Son idéologie la conduit à s'attaquer aux symboles. Pour commencer, elle entend rogner les prérogatives du directeur d'hôpital, élargies lors de la loi HPST. Elle assure qu'"une gouvernance équilibrée" redonnera du poids aux médecins dans la stratégie des établissements. "Il n'y aura plus de patron: comme l'hôpital n'est pas une entreprise, c'est un terme plus que malvenu. Attention, cela ne veut pas dire qu'il n'y aura plus de directeur, a nuancé la ministre. Un médecin a beaucoup de qualités, mais il rencontrerait des difficultés pour faire tourner une blanchisserie ou dresser un compte d'exploitation," a-t-elle admis, soulignant du même coup que son projet constitue un risque.

Les patients auront aussi leur mot à dire dans la gestion de l'hôpital. 
Un "comité technique des usagers" - au rôle encore flou - sera mis en place dans les grands établissements. Une mission, confiée à une personnalité du monde associatif en 2013, devait en préciser les pouvoirs "dans les prochains mois". Ce sera peut-être pour 2015... ou les prochaines années. 

L'hallucinée s'attaque également au mode de financement des établissements. Aujourd'hui, un hôpital est rémunéré pour chaque acte médical qu'il réalise. Or, "cette méthode génère des effets pervers", soutient la ministre, certains hôpitaux multipliant les actes pour générer plus de revenus. Un patient a deux fois plus de chances de se faire opérer de l'appendicite dans certains départements qu'à Paris, dénonce ainsi l'Inspection ­générale des affaires sociales, une niche dorée de retraités méritants de la socialie. C'est ainsi qu'en janvier 2013, l'ancien secrétaire général de la CFDT -proche du PS- a été intronisé inspecteur général des affaires sociales à 7.257,55 euros net par mois. Savoir si le syndicaliste et ses petits camarades, tel Aquilino Morelle, ancien conseiller politique de François Hollande, va être mis à la diète.

La ministre veut donc introduire une "tarification au parcours".
Elle met par terre un système qui a fait ses preuves, mais qu'elle a décrété médicalement inefficace et mauvais pour les... finances publiques. En clair, le gouvernement socialiste veut réduire la rémunération des hôpitaux avec un forfait pour la prise en charge de certains patients. Et les autres ? Par exemple, lorsqu'il accueille une personne âgée en fin de vie dans son service de soins palliatifs. Il ne fera donc pas bon s'accrocher à la vie. Quant aux "riches", la plupart des Français depuis plusieurs générations, ils ne seront plus bons qu'à financer la CMU et l'AME, l'aide médicale dite de l'Etat, au bénéfice des défavorisés d'ici et d'ailleurs.

L'entourage de la ministre dresse le public contre le privé
"Les intentions de la ministre sont bonnes", clame Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France, alliée du gouvernement dans sa politique de décentralisation. Mais il faudrait qu'elles soient suivies par des actes. Or, les cliniques privées ont été favorisées cette année dans les choix budgétaires.»
Marisol Touraine devait présenter sa loi sur l'hôpital début... 2014 seulement. L'agenda des réformes en cours, des retraites et de la dépendance notamment, ne permettra pas de s'y pencher plus tôt, avait prévu la ministre. Soit un retard augmenté encore d'une année au moins.
  
Dans un hôpital parisien, en novembre.L’hôpital devra réduire ses effectifs et les malades passer la ceinture de contention

Après avoir fait obstacle à la réforme de l'hôpital par Nicolas Sarkozy en 2008, la presse aux ordres a entrepris de convaincre les malades que nul ne conteste plus la nécessité d’une forte évolution du paysage hospitalier. Le journal socialiste Libération affirme tout à coup qu'il y a beaucoup d’hôpitaux en France, "voire trop" (sic), et qu'ils coûtent cher. L’hôpital représente 45% des dépenses de santé, insiste le quotidien. Avec près de 3.000 établissements, la France est un pays largement doté, avec 6 lits pour 1.000 habitants, le double de la Suède ou de la Grande-Bretagne. Ces hôpitaux sont en outre souvent mal localisés : trop pour les soins de courte durée, pas assez pour les handicapés et les personnes âgées. Et ils sont trop nombreux dans les grandes villes comme Paris, Lyon ou Marseille.

Touraine veut défaire la réforme Sarkozy
Alors, et ce "kit" -cette trousse médicale du ministère de la Santé- permettra-t-il de sauver la vie de l'hôpital public ? "Des économies ? C’est possible", réagit Gérard Vincent, toujours ce même délégué général de la FHF, décidément ravi. Mais ce responsable FHF, qui fédère la totalité des hôpitaux de France se sent mené en bateau : "On a le sentiment d’un double langage. La ministre nous avait promis que ce serait à chaque région, à chaque établissement de s’adapter. Et, là, on voit la technostructure du ministère qui prend le pouvoir." Et d’enfoncer le clou : "Avec ce plan, on assiste à l’étatisation rampante du système hospitalier. Où est la ministre ?" s'agace le responsable, découvrant que Marisol Touraine refuse le dialogue. C'était le cas en décembre quand, après avoir donné satisfaction aux Urgentistes en 48 heures, elle avait renvoyé la concertation avec les médecins du secteur privé à un mois, au milieu janvier. 

L’Ondam hospitalier (objectif national de dépenses de l’assurance maladie) est un levier fort les pouvoirs publics pour agir sur la masse budgétaire des hôpitaux. Il fixe d’une année à l’autre l’augmentation des budgets des hôpitaux. Si rien n’est fait, le budget des hôpitaux augmente automatiquement de 2,9%, et cela en particulier avec les hausses automatiques de salaires. Là, l’objectif est clair : en 2015, l’Ondam sera de 2,1% en 2015, de 2% en 2016 et de 1,9% en 2017.
En conséquence, les budgets des hôpitaux vont baisser fortement de plusieurs centaines de millions d’euros. "Si les hôpitaux ne veulent pas augmenter leur déficit, ils doivent faire des économies. Et le premier poste, ce sont les salaires, la masse salariale représentant 65% des charges des établissements de santé, donc de l’emploi", explique un ancien directeur des hôpitaux, sans faux-fuyant, mais anonyme. Et on arrive à la question sensible de l’emploi. Le chiffre de 22.000 postes supprimés a été évoqué pour les trois années à venir dans les hôpitaux. Mais, voilà, le gouvernement ne veut pas assumer. Mercredi, la ministre de la Santé a nié devant les députés que son plan de 3 milliards d’euros d’économies pour les hôpitaux d’ici à 2017 a  vocation à "baisser les effectifs hospitaliers".

L'étude du "kit" révèle qu'il est prévu 860 millions d’économies sur la masse salariale pour 2015-2017. Pour y parvenir, il est proposé tout un ensemble d’indicateurs et de pistes, comme : "la mise à plat des protocoles ARTT, le réexamen des avantages extra-statutaires ou non conventionnels, l’optimisation des dépenses de personnel médical, la réduction des coûts liés à l’intérim médical". Les bonnes pratiques sont détaillées: "mettre en place des maquettes organisationnelles par unités en fonction de leur taille et procéder à une harmonisation au sein de l’établissement". Si cela ne veut pas dire… diminuer les effectifs !

L’avenir, c’est l’ambulatoire: dans l'intérêt du patient ?

Les vertus de l’ambulatoire sont devenu un refrain. les hôpitaux de demain ne doivent plus être des lieux de séjour, le patient ne devra plus s'attarder. Bien des interventions chirurgicales ne nécessitent plus d’hospitalisations et l’hôpital public prend désormais en exemple le privé qu'il décriait.

Mais, dans ce plan,  la montée en puissance de l’ambulatoire est purement statistique, sans la moindre évaluation de son coût, ni de l’intérêt du patient en termes de santé publique. Des études indiquent, par exemple, que l’ambulatoire peut engendrer des inégalités d’accès aux soins. Qu’importe, un seul objectif est affiché : économiser un milliard en 3 ans. Et des chiffres : "52,1% en 2015, 54,2% en 2016, 57% en 2017".

8 blocs et 23 actions

Le plan se décline en 8 blocs (chirurgicaux !), avec 23 actions. Certaines sont pleinement justifiées, comme celui concernant la pertinence des actes médicaux. Pourquoi certaines régions font deux fois plus de césariennes que d’autres ? Et pourquoi y a-t-il aussi des variations en chirurgie cardiaque ? "La réduction du nombre d’actes non pertinents est un enjeu fort",souligne le document.
Or, le plan ne prodigue  aucun conseil pertinent pour atteindre l'objectif de 140 millions d’euros, dont 50 millions sur les actes hospitaliers.

Une action forte est prévue, ensuite, sur les médicaments
Les génériques vont être imposés aux patients, pour "une maîtrise médicalisée de médicaments de spécialités." Ces derniers sont en effet des médicaments extrêmement chers - comme on l’a vu encore récemment avec celui contre le virus de l’hépatite C (45.000 euros, le traitement sur un mois, comme s'il n'existait pas déjà un produit alternatif...). Comment limiter les prescriptions sans ouvrir la voie à une médecine à plusieurs vitesses ? La ministre n'a pas la réponse. Là encore, Marisol Touraine n'a rien à proposer d'autre qu'un objectif économique à atteindre.

Autres économies : des actions sur le transport sanitaire. Et enfin ce qu’ils appellent les GHT, les groupes hospitaliers de territoire, qui visent à regrouper sur un même territoire des hôpitaux. Objectif : 400 millions d’euros d’économies.

D’aucuns voient dans le "kit" un plan désespérément technocratique, sans le moindre volet sanitaire. "Mais c’est un peu la loi du genre. Le problème est que ce sujet soit porté de façon cohérente", tempère un ancien ministre. Et de prendre un exemple récent : "Un jour, pour cause d’épidémie de grippe, le ministère va affirmer qu’il n’y aura pas de fermeture de lits. Et, en même temps, il fait paraître ces instructions. Comment voulez-vous mobiliser de cette façon-là ?"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):