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jeudi 15 mai 2014

France 2: "Envoyé spécial" poursuivie pour son parti-pris

"Trahis", les habitants de Grenoble s'estiment stigmatisés par France 2

L'émission "Envoyé spécial" sur la Villeneuve à Grenoble est traînée en correctionnelle ce jeudi
Elles se disent objectives
Des habitants de ce quartier sensible se disent diffamés par un documentaire qualifié d'"accumulation de clichés". Environ 200 habitants du quartier, ainsi que plusieurs conseillers municipaux, avaient tenu à assister à l'audience ou a se trouver dans le hall du tribunal de Grenoble pour dénoncer ce reportage intitulé, avant tournage, "La Villeneuve, de l'utopie à l'enferet, diffusé le 26 septembre dernier sur France 2. Finalement intitulé de manière plus soft, "Le Rêve brisé", ce reportage ne montrait que les trafics et la violence qui gangrènent ce quartier créé dans les années 1970 sur un idéal de vie communautaire, futur modèle de mixité sociale et finalement théâtre de violences urbaines en 2010. La dizaine de jeunes accusés d’avoir tabassé à mort Kévin et Sofiane est originaire de ce quartier. C'était le 28 septembre 2012 à Échirolles et la presse, à l'époque, avait largement fait l'écho à ce drame.

Un élu et des habitantes du quartier se sont succédés à la barre pour faire part de leurs griefs. "C'est un reportage qui a choisi un angle très stigmatisant, qui a choqué beaucoup de monde", a ainsi déclaré Jérôme Safar, ex-adjoint à l'ancien maire (PS) de Grenoble.

La Villeneuve de Grenoble fut le théâtre d'émeutes en avril 2010

Le documentaire dépeint cette cité expérimentale comme un quartier gangrené par la violence. La caméra est embarquée avec deux policiers membres de l’unité canine de Grenoble pour une balade nocturne dans le quartier. La bande-son est anxiogène et le spectacle, désolant: voiture en feu,  forces de l’ordre caillassées et jeunesse violente à visage découvert… Plus globalement, le tableau brossé est assez sombre : détresse psychologique de certains habitants, chômage, mères isolées plus nombreuses qu'ailleurs, des Rom chassés du quartier, trafic de stupéfiants, présence d'armes à feu…. On y voit notamment un jeune masqué tirer de nuit sur un panneau avec une arme à feu en plein coeur du parc central. "On croit voir une zone de guerre avec des images sensationnalistes, sans aucun bon côté", témoigne ainsi un habitant au journal "20 minutes".
"C'est une accumulation de clichés (...) un reportage à charge qui manque complètement d'objectivité", a fustigé Me Thomas Fourrey, avocat de l'association d'habitants poursuivant France Télévisions. Il a évoqué une "volonté délibérée de stigmatiser le quartier." 

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lui-même reproché à France 2 un "manquement" à ses "obligations déontologiques" pour ce reportage "pas suffisamment équilibré". Le reportage était exclusivement dédié aux aspects négatifs de la cité.

'Abus de confiance' ? 

Une habitante, filmée dans le reportage, affirme avoir été "très surprise" par le montage final, qui "n'avait rien à voir avec ce qu'on avait dit". "Ce reportage nous porte gravement préjudice", a abondé Pauline Damiano, présidente de l'association d'habitants, en évoquant les "jeunes à qui on refuse un entretien d'embauche".
"C'est une caricature tellement énorme qu'on s'est dit: 'cette fois-ci, on va se défendre' ", a expliqué Mme Damiano. Ce que ne font pas encore les habitants de Marseille, pareillement montrés du doigt par les media parisiens pour les règlements de comptes de ses quartiers nord. 

Les habitants ont rédigé une pétition, écrit au CSA et au médiateur de France Télévisions et demandé un droit de réponse. "Nous, habitants de la Villeneuve, sommes choqués, blessés, indignés. Nous sommes en colère, car ce reportage ne montre qu'une face de notre quartier. Il cède à la facilité et au sensationnel. Il est tendancieux, ce qui est indigne de notre service public de l'audiovisuel. Ce reportage ruine des années d'efforts des habitants, des professionnels et des élus de notre quartier. C'est inadmissible."

"On n'a pas été entendus; on a été traité par le mépris", a estimé Pauline Damiano. Cette démarche en justice, "c'est la dernière solution pour faire entendre notre indignation", a-t-elle ajouté.
"Je ne nie pas qu'à Villeneuve, il y a des problèmes sociaux importants, des voitures qui brûlent, qu'il peut y avoir parfois du trafic. Mais Villeneuve c'est bien plus que ça", a-t-elle dit.
VOIR et ENTENDRE ce reportage de l'AFP:

Le mépris de France Télévisions


L'auteur du sujet, Amandine Chambelland, grand reporter (dans la société de production "Lignes de Mire" (sic), journaliste expérimentée qui a également collaboré aux émissions "Capital" -elle aussi tendancieuse- ou "Enquêtes exclusives") et le président de France Télévisions, Rémy Pfimlin, appelés à la barre, n'avaient pas fait le déplacement.
L'avocat de France Télévisions, Me Eric Semmel, a tenté de justifier l'approche de ses clients par l'angle unique du reportage qui était "d'aller sur le terrain pour constater un état de violence que personne ne conteste dans ce quartier de Grenoble".  Sans contrepartie pour contre-balancer cette vision unilatérale et donc partisane.

Il a par ailleurs pourfendu une "opération de communication, un défouloir". 
"Je ne pense pas qu'un prétoire correctionnel soit le bon endroit pour (...) exorciser ses sentiments", a-t-il estimé, demandant la condamnation de l'association pour ..."procédure abusive".

Le Parquet impose le silence aux victimes

Ces habitants de la cité de la Villeneuve affirment:

le reportage de l’émission de France 2 leur a porté préjudice 

"C'est presque plus un abus de confiance qu'une diffamation", a insisté la procureure, soulignant que les habitants se sont sentis "trahis" par ce documentaire.
Avec la défense, elle a pointé le "problème crucial" de la recevabilité de la constitution de partie civile de l'association qui "n'est pas citée dans le reportage et ne peut par conséquence pas être considérée comme victime directe" d'une éventuelle diffamation.

Du point de vue de la procureure, la demande de représentants de plaignants que justice leur soit rendue ne peut être entendue, du fait qu'ils ne sont pas personnellement victimes ! Les avocats, conseillers de parties civiles, le sont-ils ? On l'a donc compris, la presse est inattaquable, ne sera pas davantage inquiétée et pourra continuer à distribuer ses coups bas impunément.

A noter que l'AFP ne mentionne pas les deux rédactrices en chef d' "Envoyé spécial", Françoise Joly, diplômée (1980) de l'Institut d'études politiques de ...Grenoble, et Guilaine Chenu, journaliste spécialiste des banlieues. 
Bien que les téléspectateurs soient témoins que leurs reportages dénonciateurs plutôt que valorisants et sont donc des charges systématiques, les deux responsables assurent humblement qu'elles sont bien attentionnées. " On ne veut pas faire du tout-blanc ou du tout-noir. On essaie de s'approcher de la vérité. Rien n'a été scénarisé. Si ce reportage a été diffusé, c'est parce que nous l'avons validé, et nous ne remettons pas en cause le travail de la journaliste qui l'a réalisé." Solidarités professionnelle et syndicale !

Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 26 juin.

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