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jeudi 24 avril 2008

Darcos, soixante-huitard : "Il est interdit d'interdire la réforme"

Il est interdit d’interdire », sauf les réformes de droite ?
Puisque Le Parisien cède un instant la parole à Xavier Darcos, le ministre de l’Education Nationale, PaSiDupes cède la parole au quotidien Le Parisien. Parmi des dizaines d’articles consacrés à la propagande lycéenne, Darcos obtient quelques lignes pour informer la population : à ne pas manquer ! Bien qu’il soit en charge, il n’aura pas à nouveau cette opportunité avant longtemps…

Xavier Darcos : "Il est interdit d’interdire la réforme"

Xavier Darcos explique à France-Soir son projet pour les lycées alors que le mouvement de contestation s’installe et que le 40e anniversaire de Mai 68 approche…
FRANCE-SOIR. Manifestations cette semaine, grandes manifestations prévues les prochaines semaines : se dirige-t-on vers le mois de mai de tous les dangers ?
XAVIER DARCOS. Je ne veux pas spéculer sur le niveau des manifestations d’autant que la mobilisation est avant tout parisienne, ou plutôt francilienne. Je fais une distinction très nette entre les contestations, les slogans, les formules parfois approximatives et le fond du problème : les lycées français marchent-ils ? La question de savoir s’il faut plus ou moins d’enseignants pour faire un bon système éducatif a déjà été tranchée, puisque, au cours des dernières années, nous avons eu de moins en moins d’élèves, de plus en plus d’enseignants et des résultats en baisse. Nous avons aujourd’hui 1 professeur pour 11,9 élèves, ce qui est l’un des meilleurs taux du monde et un lycéen coûte 22 % de plus que la moyenne des pays européens. Or dans le même temps, nous sommes très mal classés au niveau des résultats avec beaucoup d’échecs de nos lycéens lorsqu’ils arrivent dans l’enseignement supérieur, puisque 1 sur 2 échoue au moins une fois au cours des deux premières années à l’université. Donc ce ne sont pas les moyens qui sont en cause, c’est notre organisation
Les lycéens sont-ils manipulés ?
Quand je vois des lycéens qui défendent le statut des enseignants du premier degré par exemple, alors qu’ils ont quitté l’école primaire depuis plusieurs années déjà, j’imagine que ce n’est pas spontané. Ce n’est pas forcément de la manipulation, mais cela traduit très certainement une proximité entre syndicats de professeurs et des mouvements lycéens.
Je rappelle aussi que depuis une vingtaine d’années, nous avons une manifestation tous les 13 mois en moyenne, et que tous les ministres ont connu de grands mouvements, y compris d’ailleurs sur des sujets contradictoires. Lorsque Claude Allègre a créé les travaux pratiques encadrés (TPE), il y a eu une manifestation à Paris de 100.000 personnes qui considéraient que l’on bradait la classe terminale. Mais lorsque François Fillon a voulu les supprimer quelques années plus tard, il y a eu une manifestation du même nombre de personnes !
Donc il y a un aspect rituel dans ces manifestations qui montrent que le système ne va pas bien, qu’il y a une souffrance qui ne sera pas réglée en ajoutant ou en supprimant des enseignants. Il y a en fait un vrai malaise lycéen que tous les pays développés ont connu. Mais ils ont su faire évoluer leur système avec plus de rapidité que nous car la résistance à la réforme a été moins grande.
Qu’est-ce qui ne va pas selon vous ?
Il faut ouvrir les yeux. Les lycéens d’aujourd’hui ne sont plus ceux que nous avions il y a trente ou quarante ans, ils ont changé : ils sont devenus de jeunes adultes, très autonomes dans leur vie personnelle, dans un monde fondé sur la communication, la réactivité, l’interactivité. Or, quand ils arrivent au lycée, ils retrouvent un système qu’ils qualifient eux-mêmes de napoléonien, un système où tout leur est imposé. Ils ont le sentiment qu’entre leur vie de tous les jours et le lycée, il y a un décalage.
Ensuite, le lycée français est sans aucun doute trop dispersé, avec un nombre d’options considérables, dont certaines coûtent extrêmement cher avec une utilité sociale limitée.
Enfin, le mode d’enseignement reste relativement traditionnel, alors que les élèves de première et de terminale ont besoin aujourd’hui de développer leur autonomie, leur liberté de réflexion, leur recherche personnelle. Sur ces trois sujets, nous pouvons avancer en réorganisant l’enseignement pour que les élèves obtiennent ce qu’ils demandent : non pas plus de profs, mais plus de présence adulte auprès d’eux. Ils pourront ainsi être accompagnés par davantage de soutiens, de conseils d’orientations, de matériels, de ressources électroniques. Le lycée d’aujourd’hui est une machine à donner des cours. Il faut qu’il devienne une machine à créer de l’autonomie intellectuelle.
Quel est le rôle des professeurs dans cette agitation lycéenne ?
Ce que je sais, c’est qu’une partie des syndicats jouent un jeu très dangereux. Persuader les élèves que tout se joue parce que l’on sera dans une classe de 30 ou 32, c’est au fond se moquer d’eux. Il y a une sclérose idéologique, un discours tactique et mensonger qui nous empêche de parler du fond.
Tiendrez-vous jusqu’au bout et vous sentez-vous soutenu par le gouvernement ?
Ma détermination est intacte. D’abord parce que j’ai une longue expérience et une vieille connaissance de l’institution scolaire, et que je suis tout à fait convaincu que la logique des moyens est aujourd’hui dépassée. Et quand on a mon parcours, je ne crois pas qu’on puisse sérieusement être taxé d’être un « ennemi de l’école ».
Ensuite, parce que notre majorité a été élue sur un choix politique qui est celui de la réforme, et qui consiste à mettre fin au cycle infernal décision-manifestation-abandon.
Enfin, parce que lorsqu’on est, comme moi, en charge de préparer l’avenir de nos enfants, il n’est pas possible de se désintéresser de ce que coûte l’éducation à la nation et de ce qu’elle obtient en contrepartie des dépenses auxquelles elle consent. Or le problème de la dette concerne avant tout les lycéens, ceux qui sont aujourd’hui dans la rue. Personne ne peut affirmer que le système n’est pas généreux, puisque le budget de l’Education nationale a doublé en vingt ans ! L’Education nationale est l’une des plus grandes entités du monde avec 1,2 million de fonctionnaires.
Le mal ne vient-il pas de ce gigantisme ?
Cela ne me gêne pas que la moitié de la fonction publique soit consacrée à l’éducation. Ce ministère, c’est le ministère du destin. Ce que je regrette, c’est que cette masse puisse se retourner contre l’efficacité du système. Il faut donc réorganiser notre gestion des ressources humaines en travaillant notamment sur deux grandes pistes : le statut de l’enseignant, et notamment sa rémunération, et l’autonomie des établissements.
Vous avez évoqué le malaise lycéen. N’est-ce pas finalement le problème le plus inquiétant, dans la mesure où il est très difficile d’y répondre ?
Indéniablement, une très grande partie des problèmes de l’école sont des problèmes qui relèvent de la société tout entière. La violence scolaire, par exemple, est celle de la société qui se manifeste dans l’école. On demande à l’école d’assumer des responsabilités dont la société tout entière se décharge. Cela ne doit pas nous empêcher d’être à l’écoute des préoccupations des lycéens.
L’anniversaire de Mai 68 ans ne risque-t-il pas, par son flot d’images, de jouer sur le mouvement ?
Je n’en sais rien, mais je ferai remarquer que l’idéal et les slogans de Mai 68 sont exactement l’inverse du mouvement actuel. Ils défilent en disant : « Nous-vou-lons-des-sur-veil-lants ! Nous vou-lons-des-profs ! » En 68, les gens disaient qu’ils voulaient être autonomes, libres. Je voudrais donc dire aujourd’hui qu’il est interdit d’interdire la réforme. Et ce que je trouve regrettable dans les slogans des syndicats, c’est qu’ils sont terriblement conservateurs, réactionnaires. C’est démoralisant, mais cela m’incite à aller encore plus loin dans la voie de la réforme et du dialogue.
Edition France Soir du vendredi 18 avril 2008 n°19775 page 4

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